Le titre « MINUIT AU SOLEIL » fait directement référence à la narration dystopique et à l’idée, largement encensée par les civilisations occidentales, de profiter et de s’établir « au soleil ». Une vision culturelle mais aussi historique finalement assez récente et résultant de millénaires d’affections contrariées avec le genre humain. Car écrire et raconter l’histoire du soleil c’est avant tout questionner la place que se confère l’humain au travers de dimensions religieuses mais aussi scientifiques, hygiénistes et récréatives.

S’il existe un consensus scientifique arguant que nous avons besoin du soleil pour nous épanouir tant sur le plan physiologique que sur le plan psychique, il semble pourtant que nos rapports à celui-ci s’avèrent ponctués de nombreuses phases antithétiques, alternant rejets et vénérations.

Alors que le soleil s’établit comme un dieu prépondérant au sein de la quasi-totalité des mythes cosmogoniques et théogoniques, celui-ci ne perd pas pour autant de sa superbe et de son aura protectrice et créatrice à l’émergence des religions monothéistes. Vénéré chez les Incas comme l’œuvre du dieu bienfaisant Viracocha qui fait sortir les hommes des ténèbres, on le retrouve aussi associé au dieu Râ chez les Égyptiens qui voyaient en lui non seulement un garant du jour mais aussi une force auto-engendrée et auto-créatrice. Un cycle infini assurant l’éternité et la prospérité du monde des hommes. Le soleil se fait aussi le réceptacle métonymique du feu de la connaissance, permettant aux hommes de s’aventurer au grand jour pour appréhender et dominer leur environnement. Une puissance prométhéenne qui se verra pourtant malmenée par un obscurantisme porté par un absolutisme religieux durant des siècles. Pour autant, la lumière émanant du soleil demeure la figure du bien – et donc du divin – tandis que son opposé, les ténèbres, sont l’apanage du mal et du malin.

C’est à la fin des compromissions à l’égard de la science et de la physique que notre vision du soleil tend à quitter, pour un temps, toute emprise mystique et religieuse. Alors que l’on appréhende la formation et la diffusion des spectres lumineux, de nouvelles sociétés hygiénistes encensant les bienfaits des rayonnements solaires émergent. Avec elles, le soleil s’invite dans les pratiques médicinales comme les plantes des herboristes avaient déjà gagné les laboratoires de recherches avec l’approbation des instances de santé publique. Les sanatoriums et les bains de soleil sur ordonnance prospèrent ainsi dès le milieu du XIXe siècle en Occident.

Seulement quelques décennies plus tard, le soleil prend une nouvelle dimension plus récréative et sociale. Avec la consécration des vacances en Europe et le développement des moyens de transports, les paradis ensoleillés semblent désormais à portée de main. Et, s’ils sont encore trop loin, nous les créerons !

Pauline sur le sable, 2014, Plein Soleil
Impression jet d’encre, encadrement aluminium, verre musée antireflet
50cm x 60cm
Edition 2/8

Non sans humour, la photographe Anaïs Boileau nous plonge au cœur de paradis artificiels baignés de soleil, ersatz d’un Eden inaccessible, où se meuvent des naïades à l’allure de personnages de science-fiction. Qu’elles soient affublées de collerettes d’aluminium ou étendues langoureusement sur la plage dans leurs maillots de bain, ces femmes d’âge mûr paraissent les caryatides d’un monde qui refuse de s’effondrer. Un monde où le soleil est devenu un bien économique, et le bronzage, son plus fervent signe de prospérité.

La présence du soleil, autant adulée qu’ignorée, nous entraîne dans une contemplation infinie avec les œuvres tout en poésie de l’artiste plasticienne Claire Olivier. Celle-ci questionne notre rapport à cet astre, progressivement écarté au profit de la lumière bleue de nos écrans, au travers “d’objets passages” empreints de significations et de nostalgie. Tel un écho aux contes inuits, l’artiste nous entraîne aux confins de mondes où le soleil semble à loisir nous faire ses adieux ou nous envelopper à jamais d’une lumière chaleureuse. Trop absorbés par le devenir de la Terre, avons-nous oublié la force vive de cet astre qui en révèle toute la beauté ?


La peintre Debby Barthoux met en lumière un repli sur soi, profond et consumant. Ses personnages, inspirés de ses rencontres en tant que travailleuse sociale, se recroquevillent, les corps embrasés, tandis que leurs visages demeurent impassibles, comme si leurs esprits avaient gelé. Immobilisés dans un monde en perpétuel changement, ils incarnent cette lutte entre transformation et stagnation. La riche palette de l'artiste, oscillant entre des camaïeux de bleus et des nuances de rouges incandescents, rappelle les anciennes théories des humeurs et l'engouement contemporain pour l'ésotérisme.


Design graphique : Lucas Gautier / @rigatestudio

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