
BELLEVILLE-MÉNILMONTANT. "La brume se lève", Paris, 11-16 septembre 2025
Commissariat d'exposition : Adria Vallejo & Claire Lartigue

BELLEVILLE-MÉNILMONTANT. "La brume se lève", Paris, 11-16 septembre 2025
Commissariat d'exposition : Adria Vallejo & Claire Lartigue

La brume se lève
À partir d’archives visuelles dont la source les interpelle, les artistes livrent ici leur propre interprétation. Leurs œuvres apparaissent, au premier regard, comme de véritables photographies ou comme leurs doubles troublants. Elles réveillent parfois en nous la mémoire d’une situation vécue. Tous les signaux familiers sont présents : lumière travaillée, cadrage précis, définition nette. Pourtant, ce que nous contemplons n’est pas une photographie. D’où vient alors cette sensation de déjà-vu ? Pourquoi ces images semblent-elles à la fois si proches et pourtant insaisissables ?
Cette tension entre clarté et dissolution, entre netteté et flou, résonne avec le poème de Paul Valéry Le Cimetière marin, dont l’exposition emprunte son titre. Dans ce poème méditatif sur la vie, la mort et la lumière méditerranéenne, surgit ce vers célèbre : « Le vent se lève !... il faut tenter de vivre ! ». La brume, le vent, la vibration de la lumière : autant d’éléments qui voilent et dévoilent le monde, nous rappelant que voir ne signifie jamais saisir pleinement. Le flou, comme la brume, n’est pas absence mais mouvement : il ouvre un espace de métamorphose, d’incertitude féconde, une invitation à penser la vie dans sa fluidité.
Depuis son invention au XIXᵉ siècle, la photographie a été conçue comme instrument de netteté, de précision et de mémoire. Mais dès les premiers voyageurs pittoresques qui utilisaient le miroir noir, jusqu’aux filtres numériques contemporains d’Instagram ou de Photoshop, l’image a toujours été travaillée par des dispositifs de brouillage et de filtrage. La brume est technique autant qu’esthétique : elle construit le regard. Là où certains voient dans le filtre un simple artifice ou une banalisation, les artistes de La brume se lève en revendiquent au contraire la puissance créatrice. Ils en font le lieu d’une réinvention, d’une narration intérieure, d’une confrontation à l’invisible.
Les œuvres de Louise Belin, Mélissa Boucher Morales, Guacolda et Paul Gérard transforment ainsi des archives intimes, des images trouvées ou des clichés collectifs en récits singuliers. Elles ouvrent un espace où l’absence devient présence, où l’image hyperréaliste se fissure pour laisser apparaître une inquiétude, une mémoire intime, une lutte identitaire ou sociale. Le spectateur, face à elles, éprouve la sensation paradoxale d’un « déjà-vu brouillé » : une reconnaissance aussitôt défaite par le flou, qui l’invite à traverser la brume pour mieux sentir, imaginer, vivre.
La brume se lève propose de penser nos images à travers le filtre mouvant du poétique. Elle relie Valéry aux pratiques visuelles contemporaines, le miroir noir au filtre numérique, le pittoresque ancien aux esthétiques d’Instagram. Elle rappelle que l’art, comme la vie, se joue dans cet intervalle instable où la netteté se perd pour laisser place à la vibration. Là, dans la brume, il ne s’agit pas tant de voir que d’éprouver.
Texte : Adria Vallejo & Claire Lartigue
Graphisme : Maï Desombres
La brume se lève
À partir d’archives visuelles dont la source les interpelle, les artistes livrent ici leur propre interprétation. Leurs œuvres apparaissent, au premier regard, comme de véritables photographies ou comme leurs doubles troublants. Elles réveillent parfois en nous la mémoire d’une situation vécue. Tous les signaux familiers sont présents : lumière travaillée, cadrage précis, définition nette. Pourtant, ce que nous contemplons n’est pas une photographie. D’où vient alors cette sensation de déjà-vu ? Pourquoi ces images semblent-elles à la fois si proches et pourtant insaisissables ?
Cette tension entre clarté et dissolution, entre netteté et flou, résonne avec le poème de Paul Valéry Le Cimetière marin, dont l’exposition emprunte son titre. Dans ce poème méditatif sur la vie, la mort et la lumière méditerranéenne, surgit ce vers célèbre : « Le vent se lève !... il faut tenter de vivre ! ». La brume, le vent, la vibration de la lumière : autant d’éléments qui voilent et dévoilent le monde, nous rappelant que voir ne signifie jamais saisir pleinement. Le flou, comme la brume, n’est pas absence mais mouvement : il ouvre un espace de métamorphose, d’incertitude féconde, une invitation à penser la vie dans sa fluidité.
Depuis son invention au XIXᵉ siècle, la photographie a été conçue comme instrument de netteté, de précision et de mémoire. Mais dès les premiers voyageurs pittoresques qui utilisaient le miroir noir, jusqu’aux filtres numériques contemporains d’Instagram ou de Photoshop, l’image a toujours été travaillée par des dispositifs de brouillage et de filtrage. La brume est technique autant qu’esthétique : elle construit le regard. Là où certains voient dans le filtre un simple artifice ou une banalisation, les artistes de La brume se lève en revendiquent au contraire la puissance créatrice. Ils en font le lieu d’une réinvention, d’une narration intérieure, d’une confrontation à l’invisible.
Les œuvres de Louise Belin, Mélissa Boucher Morales, Guacolda et Paul Gérard transforment ainsi des archives intimes, des images trouvées ou des clichés collectifs en récits singuliers. Elles ouvrent un espace où l’absence devient présence, où l’image hyperréaliste se fissure pour laisser apparaître une inquiétude, une mémoire intime, une lutte identitaire ou sociale. Le spectateur, face à elles, éprouve la sensation paradoxale d’un « déjà-vu brouillé » : une reconnaissance aussitôt défaite par le flou, qui l’invite à traverser la brume pour mieux sentir, imaginer, vivre.
La brume se lève propose de penser nos images à travers le filtre mouvant du poétique. Elle relie Valéry aux pratiques visuelles contemporaines, le miroir noir au filtre numérique, le pittoresque ancien aux esthétiques d’Instagram. Elle rappelle que l’art, comme la vie, se joue dans cet intervalle instable où la netteté se perd pour laisser place à la vibration. Là, dans la brume, il ne s’agit pas tant de voir que d’éprouver.
Texte : Adria Vallejo & Claire Lartigue
Graphisme : Maï Desombres

Collaboration artistique
La maison de Champagne des Amis de Beauregard a personnalisé les étiquettes de son "Blanc de Noirs" à l'occasion du vernissage de l'exposition La brume se lève, le 11 septembre 2025.
On aime dire que ce champagne a quelque chose d'une œuvre d'art : il joue avec la lumière, la clarté et le flou, comme l'exposition qui lui donne son nom...
Mais entre nous : vous allez surtout l'aimer parce qu'il pétille comme une idée qui surgit, qu'il brouille les repère juste ce qu'il faut, et qu'il donne envie de lever son verre au milieu de la brume.
"Buvez, mon sein, la naissance du vent !"
- Paul Valéry